La seconde guerre mondiale à Ambrault
Deux jours après le passage de la colonne germano-indienne, le commandant de la brigade de gendarmerie d'Ambrault dresse l'inventaire des dégâts matériels et humains subits par le village. L'intérêt principal de ce procès-verbal ne réside pas dans la précision des faits rapportés. Il provient du décalage entre le bilan réel et le « spectacle effrayant », la « barbarie complète » vécus par le maréchal des logis-chef Fiot pris en otage à l'intérieur de la colonne. Certes, les destructions ne sont pas négligeables, mais il ne s'agit pas d'un nouvel Oradour.
La Fosse a été remblayée fin 1944 à début 1945 avec les gravats d'une maison incendiée en août1944 par les soldats Allemands
Par contre, le maréchal des logis-chef d'Ambrault se montre très discret sur les combats qui ont opposé les soldats indiens et allemands aux maquisards. Depuis le début du mois d'août, le capitaine « Jeannot » Bizeau avait formé au sud d'Issoudun trois maquis F.T.P. (lesquels forment la compagnie F.T.P.F. n° 2231 à la Libération). Celui d'Ambrault était commandé par Michel Bougnoux et à la fin du mois, ce maquis comprend plusieurs dizaines d'hommes. Parmi eux, le lieutenant F.T.P. Léon Roussel, gendarme de la brigade d'Ambrault passé à la résistance, qui revient un mois plus tard sur les faits : « lors de l'attaque que nous avons subie à Ambrault, le 31 août et que nous étions cantonnés au Breuil [hameau situé à 500 m d'Ambrault à l'orée de la forêt de Bommiers], j'ai sous les balles rassemblé tous les papiers du détachement et les ai mis hors de portée des Boches. J'aurai pu faire comme beaucoup, abandonner le tout, mais je connaissais la mentalité boche et je ne voulais pas exposer ceux qui nous hébergaient à subir les destructions qui ont marqué leur passage au bourg d'Ambrault. Le soir, je suis remonté au bourg d'Ambrault où j'ai appris que le lieutenant Morlan grièvement blessé [Pierre Morlan avait reçu une balle dans la bouche] se trouvait dans une maison particulière mais que les habitants voulaient lui faire passer la nuit dans le jardin car une colonne boche était signalée pour deux heures du matin. J'ai envoyé le sergent Breton afin de le faire transporter dans une ferme isolée dont j'ai déjà cité le nom du patron et dont je ne dirais jamais assez que son dévouement pour nous a été désintéressé, M. Brice aux Douces, commune de Bommiers. Morlan a été transporté de nuit à cette ferme et le lendemain à l'hôpital d'Issoudun [...] à notre cantonnement reposait notre camarade "Chique" [Jacques Guénard] qui avait trouvé une mort glorieuse en tirant sur les Boches, je suis retourné à Ambrault chez le menuisier pour commander le cercueil ensuite, je me suis occupé à loger les autres camarades dans les granges de Bois-Ramiers. » (A.D.I. 1279 W 17.)
Les trois victimes F.F.I. dénombrées par la gendarmerie d'Ambrault n'appartiennent pas au maquis d'Ambrault mais elles circulaient dans une automobile qui s'est retrouvée face à la colonne allemande.
GENDARMERIE NATIONALE
Ambrault, le 2 septembre 1944
Légion du Berry
Compagnie de l'Indre
Section d'Issoudun
Brigade d'Ambrault
n°139/2
RAPPORT
du maréchal des logis-chef Rivière
commandant la brigade
sur des événements de guerre à Ambrault
Le 31 août vers 16 h 30, une colonne de troupes allemandes venant par la route d'Ardentes et allant vers l'est est arrivée à Ambrault. Elle était composée de cyclistes et de véhicules divers (auto et hippo).
Les éléments de tête de la colonne, circulant à bicyclette, ont livré combat à des soldats des F.F.I. qui se trouvaient à Ambrault et à proximité.
La fusillade a duré plusieurs heures.
Les soldats allemands (en majorité Hindous ou Géorgiens, on ne sait exactement), ont visité la plupart des maisons du bourg et mis le feu en de nombreux points.
Ont été incendiés :
- une maison d'habitation à un sieur Bonnin ;
- une écurie, une étable et un hangar à un sieur Grazon ;
- une maison d'habitation à un Moulin ;
- un hangar à un sieur Chéret ;
- un hangar à un sieur Jugand ;
- deux hangars à un sieur Dessoubrais ;
- un hangar et la récolte de blé à un sieur Tirloreau ;
- une maison d'habitation à un sieur Lacaud ;
- une maison d'habitation à une dame Alaphilippe ;
- une maison d'habitation à un sieur Veron ;
- une maison d'habitation à une demoiselle Charron ;
- une maison d'habitation à un sieur Chefson ;
- une maison d'habitation à un sieur Aufrère ;
- un hangar et atelier aux sieurs Auxiette et Peru ;
- une écurie, grange et hangar avec récolte de blé à un sieur Pascal.
Soit au total quinze incendies importants, chiffre énorme pour une petite localité comme Ambrault.
De plus, de nombreux autres foyers d'incendie (une trentaine environ), ont été allumés, mais ne se sont pas développés, soit parce que le feu s'est aussitôt éteint de lui-même, soit parce qu'il a été combattu à temps par des habitants.
En outre, de très nombreux actes de pillage ont été commis. Des objets divers, notamment des montres, des réveils, de l'argenterie, des billets de banqueS ont été volés dans environ la moitié des habitations du bourg.
Un nombre considérable de vitres a été brisé par des rafales de balles tirées dans les fenêtres par les troupes de passage. Des murs ont été percés par des obus très perforants d'un calibre de 45 millimètres environ.
Du côté français, il y a cinq morts et un blessé grave. Les morts sont :
- Glasser Auguste, dit Vitrier Emile [sic], réfugié d'Alsace, né le 2 mai 1891 à Sierentz (Haut-Rhin), domicilié à Ambrault, qui se trouvait dans une auto conduite par un soldat des F.F.I. (12) ;
- un soldat des F.F.I. non connu (13), qui conduisait l'auto où se trouvait Glasser et que des camarades de son unité cantonnée quelque part dans le sud du département, a-t-on dit, vinrent chercher et emmenèrent sans faire connaître son identité ;
- un soldat des F.F.I. nommé Szezpiorski Victor (14), né le 16 mai 1921 à Etain (Meuse), domicilié à Sivry-sur-Meuse ;
- Forest Georges, menuisier, né le 13 juin 1908 à Saint-Août (Indre) et y demeurant, qui effectuait un travail de sa profession sur une maison à Ambrault ;
- Forest Jean, menuisier, né le 13 juin 1908 à Saint-Août (Indre), et y demeurant, frère jumeau du précédent et qui travaillait avec lui.
Le blessé grave est un sieur Le Gall, propriétaire à Ambrault, qui a été atteint par une balle alors qu'il était près de son domicile.
Du côté allemand, un sous-officier tué a été inhumé par ses camarades près de la route à l'entrée du bourg de Ambrault.
À la caserne de gendarmerie, toutes les fenêtres ont été fermées et les portes verrouillées dès l'apparition de la tête de colonne allemande. Le personnel et les familles se sont réfugiés dans les logements et dans un fossé du jardin.
Des soldats allemands ont tiré la cloche et frappé dans les portes pour demander l'ouverture, mais sans succès. Ils sont repartis sans insister davantage.
Toutefois, ils ont pu ouvrir un volet de la fenêtre du bureau et briser une vitre. Deux balles tirées dans une fenêtre d'un logement ont brisé une autre vitre et pénétré dans le plafond. En plus, ils ont essayé d'incendier la caserne en allumant contre une fenêtre du bureau un feu qui s'est éteint de lui-même au lieu de se développer.
Plus tard, lorsque la colonne allemande fut passée et que des maisons situées à proximité brûlaient, une flammèche a fait allumer du feu à la toiture du bâtiment principal de la caserne, mais le feu combattu aussitôt par le personnel présent fut éteint après n'avoir occasionné que de très faibles dégâts.
Deux vitres brisées, deux trous de balles dans un plafond, quelques petites planches brûlées à la toiture, un volet de bureau très légèrement entamé par le feu, constituent en ce qui concerne la caserne de gendarmerie les seuls dégâts subis.
Le gendarme Gaudier qui habite en ville a eu des vêtements qui, pendus dans son logement, ont été troués par des balles d'armes automatiques.
Rivière.
N°5904/3 - Vu et transmis par l'adjudant-chef Bertrand, commandant provisoirement la section de gendarmerie d'Issoudun, au chef d'escadron commandant la gendarmerie de l'Indre à Châteauroux.
Issoudun, le 12 septembre 1944.
Bertrand.
N°9641/a - Vu et transmis à monsieur le préfet de l'Indre, Châteauroux, le 13 septembre 1944.
Le chef d'escadron Barbé commandant la compagnie de l'Indre.
Barbé.